À propos

Je commence ma vie à Belgrade, en Serbie, en 1958, dans la Yougoslavie de Tito. Mon père est tailleur, ma mère chapelière. Bien qu’étant peu allés à l’école, ceux-ci sont sensibles à l’art, et à la musique en particulier. Je commence le piano à 9 ans, dans l’école de mon quartier. Ma professeure de piano, décelant une certaine sensibilité en moi, me dirige aussitôt vers des pièces poétiques, plutôt que des études et des exercices techniques. Grâce à elle, je trouve immédiatement dans la musique un moyen de m’exprimer. 

Adolescent, je vais étudier dans une école du centre-ville. Changement d’échelle : certaines grandes personnalités y enseignent et je vais découvrir des champs de la musique qui m’étaient alors insoupçonnés comme la musique byzantine, ignorée du public à cette époque. J’y acquiers les fondements de la technique de la direction d’orchestre et de l’interprétation de la musique symphonique des trois classiques viennois. J’y apprends aussi les premiers éléments d’une critique musicale éclairée. À cette époque, je compose mes premières pièces, d’abord sous l’influence de compositeurs inspirés par la musique populaire (Bartok, Stravinsky), puis des pièces dodécaphoniques, sous l’influence de Schönberg. Enfin, je m’adonne à la pratique de la musique répétitive et minimaliste, influencé par Terry Riley, Phil Glass, Steve Reich et Le Mount Young. C’est avec ce bagage que je pars à Paris, au Conservatoire National Supérieur de Musique (CNSM), en 1979.

Le CNSM est mon second grand choc culturel. J’y reçois les enseignements de Serge Nigg, Michel Philippot et Claude Ballif, dont les qualités humaines et professionnelles confirment l’excellence de l’institution. Il y a quelque chose de paternel et de protecteur dans leur attitude, qui rend ces années d’apprentissage précieuses et passionnantes. Par ailleurs, à l’époque, les concerts des étudiants en composition se déroulent à la Maison de la Radio, ce qui nous offre, à nous jeunes étudiants, des conditions de création exceptionnelles et encourageantes. Grâce à tout cela je commence à construire mon langage musical. Néanmoins, il m’est difficile de me détacher de l’héritage de la musique sérielle dans une atmosphère générale assez défavorable à toute autre direction esthétique, la pression étant exercée davantage du côté des étudiants que des professeurs. Mon langage personnel, fraîchement né, se trouve ainsi freiné et, petit à petit, je me recroqueville dans un langage musical stérile, empreint d’une approche trop cérébrale.

En 1983, ma carrière professionnelle débute, à l’Opéra de Rennes, en tant que chef de chant et chef de chœur. Pendant une dizaine d’années, je mène le chœur de l’Opéra. On y monte des dizaines d’ouvrages lyriques, opérettes et opéras. Je fais partie d’un nouveau monde, d’une grande équipe, où je côtoie toutes les professions du spectacle et j’apprends à adapter le travail musical à d’autres domaines, la mise en scène, par exemple. Par ailleurs, je suis chef invité de l’Orchestre de Bretagne pendant deux ans (1989-1991), ce qui me permet de mettre en pratique ce que j’ai appris en théorie, et de transposer sur l’orchestre mon expérience de la direction des voix … bénéfique pour l’interprète et le compositeur que je suis.

La période est très riche sur le plan artistique mais, intimement, il m’est douloureux de fréquenter de grandes œuvres classiques et romantiques, débordant d’émotions, tout en  tâtonnant à la recherche de ma propre musique, encore balbutiante et trop cérébrale. Des mois passés à écrire une nouvelle composition se terminent par le constat qu’elle ne me satisfait pas, et je recommence … Toutefois, en 1987, je remporte le concours international de composition André Jolivet avec « Harpes éoliennes », ce qui marque une première «guérison» de l’état de stérilité créatrice dans lequel je me trouvais. Cette composition s’inscrit à la suite de ma lecture de Gaston Bachelard, notamment de son livre « L’air et les songes » (1943). Le lien que Bachelard établit entre la psychologie, la philosophie et la poésie réveille ma créativité et aide mon imagination à se libérer de ses chaînes trop cérébrales. La découverte de la musique de Giacinto Scelsi (1905-1988) me confirme cette voie : à la dispersion centripète de la musique sérielle qui multiplie une profusion de moyens sonores au service d’une musique emplie de tics nerveux mélodiques et rythmiques, il oppose la concentration centrifuge d’une musique sereine, dont la force expressive sait être condensée dans peu de sons …voire dans un son unique : Scelsi est auteur des « Quatre pièces sur une note » pour orchestre. Composer sur une seule note pour un grand orchestre – un comble à la fois de puissance expressive et d’humilité.

En 1993, je décide de fonder ARSIS – Théâtre vocal, un ensemble spécialisé dans l’interprétation de la musique vocale a cappella mise en scène. C’est l’exploration d’un répertoire différent de celui de l’opéra et celle de la voix humaine dans un raffinement tout autre de celui des chœurs d’opéra qui m’attirent. Et en effet, je découvre un répertoire et une façon de traiter la voix que je ne connaissais pas jusqu’alors. Nous réalisons  notre première production, qui s’intitule « Plaisir moderne », dans le cadre du festival Les Tombées de la nuit, à Rennes (35). Il s’agit d’un spectacle basé sur « La Pazzia Senile » et « Il Festino », deux madrigaux dramatiques d’Adriano Banchieri. Notre seconde production est « La Passion selon Saint Matthieu » du compositeur flamand du 16èmesiècle Ian (Giovanni) Nasco. Les mises en scène audacieuses et originales de Philippe Robert contribuent largement au succès de ces deux spectacles. ARSIS développe également une importante activité concertante, abordant la musique sacrée occidentale allant du Moyen-Âge jusqu’au Romantisme, en passant par la musique byzantine ainsi que différentes musiques populaires.

En parallèle, je suis devenu, en 1994, directeur d’une école de musique communale. J’y ai immédiatement créé un orchestre avec les professeurs, une saison musicale et un festival. Je ne cesserai d’agir ainsi dans tous les établissements que je dirigerai, convaincu que la réalisation commune de projets musicaux est un complément indispensable à l’activité pédagogique.

L’ensemble de ces activités d’interprète vivifie mon rapport à la musique et je retrouve une certaine spontanéité dans ma création personnelle. En 1998, mon œuvre « Folksongs », inspirée des chants traditionnels serbes, voit le jour grâce à la voix et au talent de Nolwenn Korbell, soprano d’ARSIS Théâtre Vocal. La même année, je suis lauréat au concours international de composition ARTAMA (République Tchèque) avec l’œuvre « Christmas Carol », un cycle de chants de Noël inspiré par la musique traditionnelle et sacrée orthodoxe serbe, également cultivée par ARSIS et interprétée par Nolwenn Korbell.

Depuis lors, l’essentiel de ma musique cherche tout naturellement son inspiration dans l’art musical, poétique, pictural et architectural de la Serbie, notamment dans son héritage artistique médiéval, mais également dans les ressources de sa musique populaire. Néanmoins, ma fascination pour le rythme du verbe poétique m’a également conduit à composer sur des textes en anglais (« The Bells » d’Edgar Allan Poe), en français (« Quatre poèmes français de Reiner Maria Rilke ») et même en breton (« Les Séries » et « Vent d’Ouest»).